Androa Mindre Kolo : Retour aux origines

Article rédigé en mai 2013 pour Coze Magazine

Androa Mindre Kolo, jeune artiste, chanteur, danseur et acteur de 30 ans, réalisera une performance le dimanche 26 mai au château de Spesbourg dans le cadre du festival Nouvelles Strasbourg Danse Performance de Pôle Sud. Cette performance sera réalisée dans le cadre de la Journée Particulière, organisée chaque année par Pôle Sud et le Frac Alsace.

Pour cette performance, Androa Mindre Kolo a reçu carte blanche. Il a d’ors et déjà décidé de revenir aux origines, de parler de lui, de sa vie, de son village d’enfance et de son pays natal.

Né en République Démocratique du Congo

Car oui, ce performer est né en République Démocratique du Congo le 5 mai 1983, dans le petit village d’Aru, en Afrique Centrale. Il est l’ainé d’une famille de quatre enfants. Pourtant, il ne connaitra ses parents biologiques que jusqu’à l’âge de 3 ans, son père étant assassiné en 1986 et sa mère ne pouvant s’occuper de lui par la suite.

Le petit Androa a donc déménagé à Kinshasa, capitale de la République Démocratique du Congo, et est passé d’adoptions en adoptions jusqu’à se retrouver chez son oncle, qui avait fait les Beaux-Arts. Une révélation :

“Grâce à mon oncle, j’ai pu voir et découvrir l’art à la maison. Se rendant compte de mon intérêt, il m’a inscrit à l’Académie des Beaux-Arts de Kinshasa et j’y ai étudié l’architecture d’intérieur. J’en suis sorti diplômé ! Et c’est en 2005 que j’ai fini par démarrer artistiquement, à la suite d’une première performance à Soweto, en Afrique du sud : Le corps dans l’espace.”

Le corps et l’espace, c’est la matrice, le noyau central du travail d’Androa Mindre Kolo depuis ses débuts. Dans toutes ses performances artistiques, il cherche à trouver des mots, à exprimer des choses avec son corps, à occuper l’espace qu’il construit lui-même avec divers objets et accessoires. Qu’on se le dise, pour lui le premier intérêt d’un projet artistique est d’abord d’occuper l’espace.

Adopté par Strasbourg

A la suite de sa première performance, l’un de ses professeurs ayant remarqué son potentiel lui proposera de l’accompagner à Strasbourg dans le cadre d’un partenariat entre l’école des Arts Supérieurs décoratifs de Strasbourg et l’Académie des Beaux-Arts de Kinshasa. Partenariat qui existe toujours aujourd’hui.

Ainsi, Androa Mindre Kolo décidera d’étudier les arts visuels avec une option scénographie à Strasbourg. Il en sortira diplômer en 2008. Etudier à Strasbourg permettra également à Androa de devenir sensible au travail de la vidéo. Il filme aujourd’hui toutes ses performances dans le but d’en garder une trace.

Depuis, Androa Mindre Kolo n’a quasiment plus quitté Strasbourg et y habite toujours aujourd’hui. Il travaille à mi-temps pour payer son loyer et consacre tout le reste de son temps à l’art. Il ne cache pas son amour pour la France :

“Je suis un orphelin qui a été pleinement adopté par la France. Au Congo, j’en étais aux balbutiements de mon art alors qu’en France sont venues les affirmations. Et je pense que sans Strasbourg, je ne serais pas artiste aujourd’hui.

Même l’inspiration, je la trouve très facilement ici. En me documentant tout d’abord, mais surtout en utilisant mon cerveau et la vie qui m’entoure. Tous les jours, en marchant simplement dans la rue, je peux voir un objet par terre et avoir une amitié avec lui, faire en sorte que cette chose par terre pouvant sembler insignifiante devienne un projet. La vie est vraiment une bibliothèque artistique inépuisable.

Mais il est certain que tout le monde ne peut pas être artiste car l’art n’est définitivement pas un métier, mais une passion et un plaisir. Et puis, si tout le monde était artiste, qui irait faire du pain?”

Travaillant aujourd’hui régulièrement avec Pôle Sud ou la compagnie Les Foirades, participant à de nombreuses scénographies urbaines depuis 2008, s’essayant souvent au collage-photo pour construire une image et un nouveau langage, Androa Mindre Kolo est ce qu’on peut appeler un artiste touche-à-tout et accompli.

Retour chez lui au château de Spesbourg

Mais il n’avait encore jamais eu une complète carte blanche pour l’une de ses performances. Pôle Sud et le Frac Alsace lui en donnent l’occasion le 26 mai prochain à 16h30 au château de Spesbourg.

Pour cette performance, Androa Mindre Kolo parlera au public de sa vie personnelle, de l’assassinat de son père, des nombreuses adoptions qu’il a subies, de l’absence parentale, du fait qu’il n’ait pas revu sa mère biologique depuis 27 ans.

Il fera des actes qui permettront aux spectateurs de voyager avec lui dans sa vie, dans son pays d’origine et dans son village d’enfance. Costumes, chants dans sa langue maternelle, cris, utilisation intensive du corps, reproduction de sa maison d’enfance dans le château de Spesbourg et  chèvres amenées pour l’occasion feront renaitre ce petit village de l’Est du Congo nommé Aru, le temps d’une performance.

Et ramèneront Androa Mindre Kolo au pays :

“C’est mon grand retour là-bas ! Par manque de moyens financiers, je ne peux pas retourner comme je veux au Congo et encore moins dans mon village d’enfance. Ma performance à Spesbourg, ce sera mon moyen d’y retourner et le lieu s’y prête totalement.

J’ai étudié en amont le temps et l’atmosphère de ce château, et quand j’y suis allé pour la première fois, j’étais en train de rêver. Ce château en ruine et à ciel ouvert, perdu dans la forêt, avec des vaches pas loin et différents animaux à proximité, cela m’a projeté dans mon village, dans ma maison d’enfance. Ca m’a aussi rappelé pleins de petits moments cachés dans un coin de ma tête et ça m’a vraiment donné envie d’y retourner.

J’invite donc les gens à venir voir cette envie d’y retourner, à regarder la façon dont j’essaye d’éviter mon absence à Aru.”

Androa Mindre Kolo ne compte bien entendu pas s’arrêter en si bon chemin et plusieurs projets l’attendent déjà pour la suite, notamment en Allemagne.

Rendez-vous le 26 mai à 16h30 au château de Spesbourg pour la performance (et le retour aux origines) d’Androa Mindre Kolo qui, n’en doutons pas, s’avère déjà unique en son genre.

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