La recherche de travail : Une histoire méprisante

LETTRE DE PROTESTATION

Cette « lettre de protestation » reprend le modèle type des lettres de motivations. Elle a pour but de se moquer d’une situation bien réelle. Le mépris des employeurs et recruteurs à l’encontre des jeunes diplômés, chômeurs, ou plus généralement toutes personnes désirant trouver un travail correspondant à ses ambitions.

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NOM prénom
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Code postal Ville
Numéro de téléphone
E-mail

A l’attention de
Entreprise quelconque
Adresse
Code Postal Ville

Pièce jointe : CV

Ville, le 15 juillet 2014

 

Mesdames, Messieurs,

Je vous adresse aujourd’hui ma lettre de protestation pour le mépris dont vous me faites part tout au long de l’année.

J’ai un parcours scolaire tout à fait convenable, allant du collège à l’université et traversant divers domaines.

Je suis motivé  et je n’envoie pas mes candidatures au hasard. Je sais que j’ai la possibilité de faire quelque chose de bien au sein de votre entreprise, de votre mairie, de votre rédaction, de votre agence de communication, de votre… tout ce que vous voulez.

Oui, je peux faire de belles choses. Je peux gagner ma vie tout en servant vos intérêts au mieux et avec toute l’ardeur au travail dont je suis capable.

Et s’il y a des choses que je ne sais pas encore faire, pas de problèmes !

Avec un peu de temps et d’entrainement, ça viendra. Je peux même payer de ma poche une formation à 3000 euros ou plus (alors que justement je n’ai pas encore l’argent nécessaire pour le faire) afin d’être prompt au travail le plus rapidement possible, si vous avez des besoins urgents.

Mais voilà… Je suis obligé de souligner que j’ai 24 ans. Je fais partie des « jeunes ». Vous savez, la génération des moins de 25 ans, celle dont le taux de chômage frôle les 24 % en 2014.

Et mes quelques petites expériences grappillées par ci par là et généreusement notifiées sur mon CV ne suffisent pas à vous combler. La plupart du temps d’ailleurs, les petites expériences en question se font sous forme de stage. Le stage, un moyen facile et rapide pour trouver un jeune travailleur prêt à faire n’importe quoi pour rentrer dans le monde du travail.

Mais le gros avantage du stage, c’est que ça vous permets de ne pas débourser grand chose pour le stagiaire en question. Parfois même rien du tout lorsque le stage ne dépasse pas deux mois. De la main d’œuvre gratuite en somme, alors que certaines entreprises ont pourtant les moyens de rémunérer leurs stagiaires.

Le stage, cela apporte également (et malheureusement) un autre problème : Pour pouvoir en bénéficier, il faut une convention de stage. Pour obtenir la convention tant rêvée, les solutions ne sont là non plus pas illimitées.

La plus évidente est encore d’être étudiant. Ainsi, le stagiaire, l’école ou l’université, puis l’entreprise, signent cette convention de stage à trois mains. Convention faisant office de contrat si l’on veut. Oui, c’est vrai que le stage a d’abord été créer pour permettre aux étudiants de s’insérer petit à petit dans le monde du travail, de donner une première image de l’entreprise.

Souvent, d’ailleurs, les stages sont obligatoires durant les études selon le cursus choisi. Mais ce que l’on oublie trop souvent, c’est qu’à la fin des études, une fois le diplôme obtenu et fièrement accroché au mur de sa chambre, une sempiternelle question se pose : « Comment accéder au marché du travail? »

De rares chanceux ont alors la chance de trouver directement le CDI tant rêvé, d’autres enchainent les CDD dans l’espoir de décrocher un CDI qui arriverait sur le long terme, comme une douce récompense à tous leurs efforts. D’autres encore décident d’ouvrir leur propre entreprise, afin de contrer le marché du travail et de gagner de l’argent véritablement par eux-mêmes.

Malheureusement, la plupart du temps, c’est le stage qui s’impose aux jeunes diplômés. Oui, mais… ils ne sont plus étudiants maintenant ! Comment faire alors?

S’inscrire à la rentrée prochaine à n’importe quelle formation universitaire et ne pas aller en cours? C’est une pratique courante, sorte d’entorse à une loi qui ne fait plus tellement sens au vu de la conjoncture actuelle. Message au gouvernement : Peut-être faudrait-il changer quelque chose non?

D’autres manières d’obtenir une convention de stage existent encore : La mission locale si vous avez moins de 25 ans, un organisme de formation spécifique (que vous pourrez trouver grâce à l’AFDAS [ Assurance Formation des Activités du Spectacle ] moyennant des conditions draconiennes et souvent illogiques) et bien sûr l’incontournable Pôle Emploi.

Malheureusement, il est généralement impossible d’obtenir des conventions pour des stages dépassant les trois semaines lorsque l’on n’est plus étudiant. D’autres organismes, que je ne connais pas, existent certainement encore. Peut-être même pour des stages de plus longue durée. Mais n’oublions pas de préciser que le recruteur est plus en faveur de la main d’œuvre à faibles coûts qu’en faveur de l’embauche du stagiaire par la suite.

En résumé, la seule possibilité offerte aux jeunes diplômés afin de mettre un pied dans le monde du travail est le stage. Le stage permet aux employeurs (qui eux disposent déjà d’un salaire au moins conforme au minimum légal) d’avoir de la main d’œuvre gratuite ou à bas-coût. Cette même main d’œuvre qui, elle, n’a pas les moyens de vivre décemment.

Le terme adéquat pour tout ceci ne serait-il pas : Exploitation?

Vous le savez très bien que nous, jeunes diplômés, ou bien même jeunes tout courts sans diplômes, nous voulons réussir dans la vie. Et pour cela, nous allons continuer à postuler à vos offres de stages. Nous allons également envoyer des lettres de motivations pour vos CDD, CDI, que ce soit à temps plein, à temps partiel, où à mi-temps. Nous allons passer tout le temps qu’il faudra à mettre en avant nos qualités les plus élémentaires pour vous séduire.

Oui, car c’est de la séduction. Nous nous vendons ! Nous cherchons à vous plaire ! Et nous tentons d’être en parfaite concordance avec ce que vous demandez dans la fiche de poste. Même quand ces fiches de postes demandent tant de compétences et d’expériences que nous nous sentons tout petit. Que nous nous demandons :

« Mais pourquoi avoir fait des études dans ce domaine, si je dois aussi savoir faire ça, et ça, et encore ça tout en étant capable de ceci et cela? »

Il est certain que ça ne vous coûtera qu’un seul salaire de recruter une personne capable de faire cinq métiers en même temps. Il est certain que vous prendrez moins de risque en n’acceptant que les personnes ayant au minimum 5 ou 10 ans d’expérience dans des domaines précis ou sur des fonctions similaires.

Tout cela est très bien pour l’avenir de votre société, vous engagez les meilleurs. Vous oubliez cependant une chose :

L’avenir, ce sont les jeunes d’aujourd’hui qui le construisent. Ce sont les générations d’après qui le construiront encore. Et ainsi de suite. Donc si cela est très bien pour votre société, ça ne l’est pas pour la société en général (Rappelez-vous le taux de chômage, et ça ne concerne que celui des jeunes).

Alors, comment voulez-vous, et c’est une des nombreuses raisons pour lesquelles je vous écris cette lettre de protestation, comment voulez-vous que l’avenir se construise si vous ne laissez pas leur chance aux jeunes?

Enfin, je souhaiterai terminer cette lettre en vous rappelant une leçon de politesse, qu’une grande majorité d’entre vous ne respecte pas.

Lorsqu’une candidature vous est envoyée par mail ou par courrier, ayez l’obligeance d’y répondre ! Et si vous répondez par une lettre ou un mail type et qu’on vous demande en retour les raisons de ce refus, afin de comprendre ses erreurs et de s’améliorer pour la suite, ayez l’obligeance de répondre et de ne pas faire la sourde oreille. Ayez l’obligeance de ne pas nous mépriser.

Lorsque l’on vous appelle plusieurs fois (souvent une bonne quinzaine de fois, soyons honnête), qu’on vous laisse des messages sur votre répondeur avec notre numéro afin que vous nous rappeliez à propos du courrier ou du mail que nous vous avons envoyé, ayez l’obligeance de le faire ! Et si vous n’avez pas le temps, déléguez un de vos sous-fifres pour le faire ! Un stagiaire peut-être…?

Lorsque vous nous dites que vous n’avez pas encore eu le temps de regarder notre proposition de collaboration, mais que vous nous ferez part de votre réponse très prochainement, ayez l’obligeance de le faire ! Il ne faut pas avoir peur de nous dire « Non » vous savez, nous sommes de grandes personnes maintenant. Et votre refus nous certifiera qu’il est temps de passer à autre chose au lieu de perdre notre temps et le vôtre à vous appeler ou à vous renvoyer des mails.

En résumé, je vous demande de nous respecter, nous les jeunes diplômés, nous les jeunes candidats à vos offres d’emplois ou à vos stages, nous les chômeurs de Pôle Emploi. Car sans nous, n’oubliez pas que vous ne feriez rien. Votre entreprise ne tournerait pas, votre agence de communication ne trouverait pas de solutions adaptée à ses clients, votre rédaction ne disposerait pas de bons journalistes pour vous révéler la Une du lendemain.

Je joins mon Curriculum Vitae à cette lettre, qui est un approfondissement de ce que vous venez de lire. Il vous permettra de prendre compte de toutes mes expériences et formations antérieures (pas suffisantes), ainsi que de mes centres d’intérêt (qui, ironiquement, ne vous intéressent pas le moins du monde).

Dans l’attente d’une réponse favorable de votre part (en fait, une réponse tout court ce serait déjà bien), veuillez agréer à mon tour, Mesdames, Messieurs, l’expression de mon mépris le plus profond.

 

Exemple de mail de refus le plus courant :

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Cela se passe de commentaires … .

 

Philippe Schnee

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